À Montréal, le temps court - Josée Legault

Josée Legault Vendredi, 8 mai 2020 05:00 - Le premier ministre jure qu’il fait de son mieux. Personne n’en doute. Dans la crise de la COVID-19, les inquiétudes n’en sont pas moins réelles.

https://www.journaldemontreal.com/2020/05/08/a-montreal-le-temps-court

À l’aube d’un troisième mois de pandémie, le taux de confiance envers son gouvernement tient bon à plus de 80 %. Le premier ministre François Legault n’entend pas moins les critiques monter sur la confusion croissante entourant certains des messages communiqués à la population. 

D’où sa réponse hier à un journaliste : « Est-ce que j’ai été parfait ? Sûrement que non, mais je fais de mon mieux ». Personne n’en doute. Dès le début de la tempête, sa rapidité à « fermer » le Québec avant le reste du continent en attestait déjà.

Or, depuis, dans la grande région montréalaise — laquelle comprend la moitié de la population du Québec —, cette avance initiale face à la COVID-19 a fondu. La situation est loin d’être maîtrisée. Montréal est l’épicentre du virus au pays. 

Dans certains CHSLD, pour les raisons qu’on connaît, elle demeure tragique. La contagion communautaire est active. Résultat : pendant qu’on déconfinera peu à peu les régions, impossible de le faire pour Montréal et ses couronnes. 

Colosses aux pieds d’argile

La débâcle dans ses CHSLD n’explique pas tout. Dans la tour d’ivoire de l’immense « machine » des méga CIUSSS du ministère de la Santé et des Services sociaux, les manquements s’accumulent sur le « terrain » depuis le début de la crise.

Le fameux « décalage » entre ce que dit M. Legault et la réalité nettement plus inquiétante à Montréal vient en partie de là. En termes d’organisation et d’opérationnalisation, déconnectés du terrain comme ils le sont, les CIUSSS sont des colosses technocratiques aux pieds d’argile. 

Dans le réseau de la santé, le personnel manque de plus en plus cruellement. Comment se fait-il que dans ce réseau comptant près de 250 000 employés, la bureaucratie ne réussisse pas à en déployer une part suffisante dans les établissements qui en ont urgemment besoin ? 

Faire mieux

Le décalage vient aussi d’un système de dépistage du coronavirus qui traîne de la patte. Depuis plus d’un mois, le consensus scientifique veut que l’on teste aussi les asymptomatiques. Parce qu’ils sont contagieux sans le savoir, il faut les trouver pour les isoler. Le Québec ne le fait pas encore.

Sans un dépistage efficace, impossible d’avoir le vrai portrait de la situation à Montréal. Le refus de la santé publique de rendre obligatoire le port du masque non médical dans la grande région montréalaise est tout aussi incompréhensible. 

Depuis longtemps, des études en confirment pourtant l’efficacité en situation de pandémie. Combiné aux consignes d’hygiène et de distanciation, le masque obligatoire dans les lieux publics contribue à limiter la propagation de tout virus, même les plus sournois. Le principe est clair : quand tout le monde porte le masque, tout le monde protège tout le monde. 

Le patron de la santé publique, Horacio Arruda, réduit certaines des critiques montantes à des opinions de « gérants d’estrade ». Or, en démocratie, le droit de remettre en question les actions des pouvoirs publics sur des bases factuelles en est un des principaux piliers. 

Questionner, il le faut. D’autant plus qu’à Montréal, le temps court.

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