Les immigrants peuvent être un groupe imprévisible. C’est peut-être ce qu’on attend de tous ceux qui sont prêts à mettre leur vie dans une valise et à repartir à zéro à travers le monde.
C’est un atout important pour survivre et prospérer, comme la plupart des gens ont la chance de le faire au Canada. Mais cela crée aussi des surprises désagréables pour les politiciens qui, après les avoir accueillis, attendent naïvement leur loyauté électorale indéfectible. À en juger par ses récentes actions, le premier ministre Justin Trudeau est prêt à apprendre cela à ses dépens.
Le regretté Gérald Godin, premier ministre de l'Immigration pour le Parti québécois dans les années 1980, a accueilli avec joie des centaines d'immigrants francophones, imaginant une légion de nouveaux Canadiens français qui voteraient avec reconnaissance et obéissance pour un Québec indépendant. Au lieu de cela, ce «vote ethnique» a brisé ses rêves et a voté en masse pour un Canada unifié en 1995.
M. Trudeau est sur le point de tomber dans le même piège. Malgré son incapacité flagrante à élaborer un plan crédible pour faire face à ce que l’on appelle une crise transfrontalière, le Premier ministre semble prêt à faire de cette question un élément essentiel de sa campagne de réélection de 2019. Au cours des dernières semaines, son équipe s’est battue avec le gouvernement PC nouvellement élu, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford.
Le ministre fédéral de l'Immigration, Ahmed Hussen, a qualifié la ministre ontarienne, Lisa MacLeod, d'audace à remettre en question les responsabilités financières du gouvernement fédéral à l'égard des provinces qui s'occupent des demandeurs d'asile. Le secrétaire principal de M. Trudeau, Gerald Butts, est allé plus loin en déclarant que toute critique du traitement du dossier par son gouvernement était qualifiée de «tout à fait à droite». Positionner M. Trudeau comme un sauveur des apatrides et des opprimés est une stratégie de campagne. beaucoup de citadins, d'électeurs de centre gauche, cela pourrait fonctionner. Mais ce qu’il souffrira probablement le plus, c’est dans les circonscriptions électorales suburbaines riches en immigrés que les libéraux doivent absolument conserver pour conserver leur majorité.
Tout en lui attribuant des points avec le circuit de Davos, l’attitude de M. Trudeau à l’égard du concept de citoyenneté peut s’avérer très préjudiciable sur le plan politique à l’égard des immigrants établis. Après avoir versé des années de sang, de sueur et de larmes pour gagner leur passeport canadien, de nombreux électeurs immigrants n’ont probablement pas apprécié le fait que leur Premier ministre envoie via Twitter une invitation ouverte au reste du monde à venir retirer le leur à la porte.
Nous pourrions et devrions avoir un débat honnête sur les conséquences de la position dominante du premier ministre en encourageant les migrants à franchir la frontière, et sur son apparente réticence à défendre publiquement l’intégrité des frontières du Canada. Ce qui est irréfutable, c’est que ses propos traduisaient un manque de sérieux quant à la valeur de la citoyenneté canadienne.
Malgré la prétention du premier ministre à comprendre l’expérience de l’immigration (son grand-père a quitté l’Écosse pour immigrer au Canada en 1911), M. Trudeau a probablement beaucoup à apprendre de la mentalité des nouveaux Canadiens. Nous sommes nombreux à venir de pays en développement où la migration de masse n’a pas entraîné de débordement bureaucratique, mais de chaos, de violence et d’instabilité politique. Ces facteurs expliquent en partie la raison pour laquelle ma famille s'est retrouvée en détention toute la nuit à l'aéroport Pearson en 2001, après être arrivée en tant que «migrants irréguliers». C’est aussi pourquoi moi et d’autres veulent que le Canada donne la priorité aux réfugiés les plus vulnérables qui ont le plus besoin de notre sanctuaire et leur souhaite la bienvenue - pas seulement les demandeurs d’asile disposant de suffisamment de ressources et pouvant atteindre nos frontières physiques.
De nombreux immigrants établis ont fièrement passé leurs premières années dans des emplois du crépuscule à l'aube, se rassemblant à peine assez pour subvenir aux besoins de leurs familles. Certains sont naturellement contrariés par les anecdotes de nouveaux demandeurs d'asile arrêtés pour avoir franchi illégalement la frontière, pour ne recevoir que des dizaines de milliers de personnes et être hébergés dans des hôtels quatre étoiles. Les plaintes isolées de nouveaux arrivants sur des inconvénients mineurs ne sont pas représentatives, mais elles attiseront néanmoins davantage ces flammes.
Au lieu de se battre contre le nouveau premier ministre de l’Ontario, M. Trudeau devrait saisir cette occasion pour tirer les enseignements de M. Ford, qui a balayé facilement les circonscriptions riches en immigrants du 905 et de la banlieue de Toronto et est célébré comme un champion par les nouveaux Canadiens. Malgré la diffamation de M. Ford en tant que raciste et Trump-Lite, le nouveau premier ministre n’a pas perdu une minute en signalant la vertu en matière de diversité et d’acceptation. Au lieu de cela, il a réussi à séduire les nouveaux Canadiens en mettant l'accent sur la sécurité des rues, les valeurs familiales et la prudence financière.
La campagne de M. Ford a rappelé des souvenirs de Stephen Harper de 2011, qui a remporté sa majorité en grande partie parce qu'il traitait les immigrants comme des citoyens multidimensionnels, préoccupés avant tout par les problèmes d'accès à la propriété, d'accès à des emplois de qualité et d'une plus grande prospérité individuelle . Par contre, M. Trudeau risque de moins en moins de perdre son soutien en 2019 en diminuant délibérément les valeurs des nouveaux Canadiens et en les remplaçant par les siens. Ensuite, il s'attend à ce qu'ils en soient reconnaissants.