Selon une étude de la Chaire Desjardins en développement des petites collectivités de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, il était très clair dès 2014 que ce ne sont vraiment pas les Chinois qui achètent les terres agricoles dans cette région.
Mais bien des Québécois! À la lecture de ce rapport d’une quarantaine de pages on comprend encore plus difficilement comment le syndicat agricole unique au Québec, certains médias généralistes et encore récemment une députée de Québec solidaire ont pu colporter cette légende urbaine ou plutôt cette «légende rurale».
Dans la conclusion de son étude intitulée : «Portrait de la propriété des terres- Hors périmètre urbain et de leur utilisation en Abitbi-Témiscamingue», l’Université du Québec précise que 85 % des terres de cette région sont détenues par des propriétaires du coin et que le pourcentage grimpe à 90 % en incluant les organismes publics tels que les municipalités.
L’étude démontre que l’achat de terres agricoles se fait essentiellement au Québec par des producteurs Québécois. Même lorsque des achats sont faits par des non-résidents, ils sont presque tous Québécois!
Les non-résidents, propriétaires de chalets plutôt que de terres agricoles
« Les non-résidents, à 79 % Québécois, n’en accaparent que 9 %», précise l’étude écrite par Patrice Leblanc et Étienne Audet.
Les non-résidents détiennent pour l’essentiel des terres inexploitées de faible superficie nous dit l’Étude de la Chaire Desjardins. « Sans doute des chalets et maisons de villégiature, ainsi que quelques terres liées à l’exploitation des ressources naturelles».
On y apprend également que les terres vouées à l’agriculture et l’élevage appartiennent aux propriétaires de l’Abitibi-Témiscamingue dans 94 % des cas!
Ce sont les Québécois qui achètent les terres agricoles au Québec
Quant à l’origine ethnique des acheteurs de terres agricoles, ce qui semble inquiéter certains acteurs du monde agricole et politique au Québec, elle est loin d’être chinoise. « Hormis des Québécois, des Canadiens et des Américains, on compte quelques Allemands, des Australiens, des Espagnols, des Français, des Suisses, des Néo-Zélandais et des Indiens», est-il écrit dans cette étude de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.
Les Chinois qui agrémentent le folklore de certains discours ne sont même pas nommés dans la liste énoncée par cette étude ! «Que ce soient les rumeurs non avérées d’acquisition de grandes superficies de terres (40 000 ha) par des investisseurs chinois (…) cela a eu pour effet de susciter des inquiétudes (…) sur la propriété des terres au Québec», de préciser les auteurs.
L’accaparement des terres n’existe pas en Abitibi-Témiscamingue
Même si l’étude conseille de demeurer vigilant pour l’avenir, elle conclut qu’il n’existe pas de phénomène d’accaparement des terres. « Si phénomène, il y a, il s’agit selon nous, d’une concentration foncière agricole liée notamment à la diminution du nombre de fermes et à la consolidation des activités de certains producteurs».
L’étude reconnait qu’ailleurs dans le monde, suite à un contexte mondial, au tournant de l’an 2000 et surtout après la crise financière de 2007/1008, les phénomènes d’accaparement et d’acquisition massive de foncier agricole se sont répandus comme une traînée de poudre dans les pays africains, asiatiques et sud-américains parce que la réglementation en ce domaine y est déficiente.
Ce qui est loin d’être le cas au Québec puisqu’on y retrouve une loi ultra protectrice des surfaces agricoles.
Que dit la CPTAQ ?
L’étude de Leblanc et Audet rappelle qu’au Québec : «L’instance qui encadre ce secteur est la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) dont la mission est de garantir pour les générations futures un territoire propice à l’exercice et au développement des activités agricoles» (Extrait du plan stratégique 2008-2011 / p.6)
L’étude souligne que la CPTAQ administre deux lois : la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et la Loi sur l’acquisition des terres agricoles par des non-résidents :
«La première a été adoptée en 1978 afin de protéger la pratique de l’agriculture contre l’enlèvement du sol arable, le morcellement des terres, la spéculation urbaine et l’éparpillement des multiples usages des terres en milieu rural».
«La deuxième a été adoptée l’année suivante, en 1979, afin de limiter la propriété étrangère dont l’intérêt était la plupart du temps la conversion des terres à d’autres fins que l’agriculture».
Cette loi amendée en 2013, rappelle l’étude écrite en 2014, prévoit :
Qu’une personne est résidente si elle est citoyen canadien ou résident permanent si elle a séjourné au Québec durant au moins 1095 jours au cours des 48 mois précédant immédiatement la date d’acquisition d’une terre agricole
Qu’une superficie de plus de 1000 hectares par année ne pourra, sauf sous certaines conditions, faire l’objet d’acquisition par un non-résident.
L’étude conclut donc : « Qu’une personne qui ne réside pas au Québec ne peut, sans l’autorisation de la Commission de protection du territoire agricole du Québec, faire directement ou indirectement l’acquisition d’une terre agricole».
Source: la vie Agricole